La question du fameux certificat de reconnaissance de grossesse ou acte de reconnaissance de paternité fait couler beaucoup d’encre depuis l’adoption par le parlement de la loi n° 2020-34 du 6 janvier 2021. De quoi s’agit-il exactement et de quoi retournent les nouvelles dispositions de la loi ?
Reconnaissance de paternité : qu’en dit la loi ?
La reconnaissance d’un enfant par le père est prévue depuis longtemps par nos textes. Ainsi le code des personnes et de la famille de 2004 précise en son article 319 que la filiation naturelle est légalement établie par reconnaissance.
Aux termes de l’article 323 du code des personnes et de la famille « Lorsqu’il n’est pas présumé issu du mariage de sa mère, l’enfant peut être reconnu par son père. La déclaration de reconnaissance est faite par le père à l’officier de l’état civil conformément aux dispositions régissant l’état civil après la naissance de l’enfant ou même dès qu’il est conçu »
En 2015, la reconnaissance de paternité est à nouveau mentionnée dans le code de l’enfant.
Aux termes de l’article 141 de ce code « Tout enfant conçu doit être reconnu par son géniteur dans les trois premiers mois de la conception par les moyens d’une déclaration sur l’honneur faite devant l’autorité administrative la plus proche du lieu de sa résidence, faute de quoi l’enfant, à sa naissance, porte le nom de sa mère. »
Et l’article 148 du code rappelle à la mère qu’elle ne peut attribuer le nom du géniteur à son enfant nouveau-né que sur présentation d’un certificat de mariage ou d’une déclaration de reconnaissance de la grossesse établie par l’officier de l’état civil.
Cet article va plus loin en interdisant à la sage-femme et au médecin accoucheur d’inscrire sur la fiche de naissance, le nom d’un quelconque présumé père si la femme n’apporte pas au moment de l’accouchement, la preuve du mariage ou de la reconnaissance de grossesse.
Quid de l’obligation de présenter un acte de reconnaissance de paternité ?
L’obligation de présenter un certificat de reconnaissance de paternité ou de grossesse n’est donc pas une nouvelle obligation.
La surprise des uns et des autres est née, semble-t-il de la méconnaissance des textes par nos concitoyens du fait entre autres de leur inapplication.
En effet, En dépit de la clarté de ces textes, dans les maternités et autres centres de santé de nos villes et villages, il suffisait qu’une femme donne le nom d’un quelconque homme, sans fournir le moindre document, pour que celui-ci soit inscrit sur l’acte de naissance de l’enfant comme étant le père.
Evidemment, ce laisser-aller était plus simple pour tous car ne générant aucune contrainte. Mais cela n’était pas sans conséquences.
Bien des hommes se sont retrouvés pères sans leur consentement. Or, être père induit des obligations, notamment l’obligation alimentaire.
Bien des femmes ont pu découvrir au décès de leur mari qu’il était considéré comme le père d’un enfant ou plusieurs enfants issus de relations extraconjugales.
Découvrir que son mari est considéré comme le père d’un enfant qu’il n’a peut-être jamais reconnu ne doit pas être agréable pour une femme.
Au-delà des sentiments et ressentiments que ces situations peuvent créer et même des dislocations de famille et de couple que ces situations peuvent engendrer, c’est une absence totale de fiabilité de notre état civil que les anciennes pratiques à l’antipode de nos textes induisent.
L’apport de la nouvelle loi en termes de reconnaissance de paternité
La nouvelle loi, la loi n° 2020-34 du 6 janvier 2021 par laquelle les Béninois ont semblé découvrir tout d’un coup l’existence d’un certificat de reconnaissance de grossesse, est venue rappeler en réalité des dispositions existantes depuis bien longtemps et malheureusement inappliquées ou mal appliquées.
La gestion de l’état civil, dans notre pays, a changé. Fort heureusement !
Auparavant l’état civil était géré par les arrondissements, les mairies et il appartenait aux parents de nouveau-né de déclarer sa naissance à l’arrondissement ou à la mairie pour qu’il lui soit établi un acte de naissance.
Aujourd’hui, pour une meilleure gestion de notre état civil, l’ANIP, agence Nationale pour l’identification des personnes a été créée.
Toutes les informations sur l’état des personnes doivent être transmises à l’ANIP et s’agissant des naissances, ce sont les centres de santé qui doivent désormais transmettre les déclarations aux fins d’établissement des actes de naissance.
C’est là une des nouveautés de la loi portant dispositions spéciales de simplification de gestion dématérialisée de l’enregistrement des faits d’état civil et c’est peut-être cela qui inquiète car il ne peut plus y avoir de déclarations fantaisistes ou opportunistes.
La deuxième nouveauté est l’obligation de mentionner désormais dans le certificat de reconnaissance de paternité le numéro personnel d’identification du père.
C’est ce qui peut et devrait faire polémique et non pas le certificat de reconnaissance de paternité qui existait depuis longtemps même si son établissement n’était pas systématique.
Pour établir un certificat de reconnaissance de paternité, la nouvelle loi n’autorise plus la production des anciennes pièces d’identité.
Or, il semble que tout le monde n’ait pas encore son numéro personnel d’identification. Et cela peut être source légitime d’inquiétude. Il convient dès lors d’accélérer le processus d’établissement des certificats d’identification personnel dans nos villes, villages et hameau.
La reconnaissance de paternité avec l’exigence de fournir le numéro personnel d’identification du père et de la mère pour établir les actes de naissances des nouveau-nés hors mariage est une vraie source de sécurité pour notre état civil Béninois et il est important de rendre accessible à tous assez rapidement le numéro personnel d’identification.
Reconnaissance de paternité : le pouvoir rendu aux hommes ?
Le pouvoir a-t-il été donné aux hommes ou « rendu » aux hommes par l’obligation d’établir un certificat de reconnaissance de paternité ?
Faire un tel débat est une façon de déplacer le problème. Mais faisons-le tout de même !
Les arguments donnés par les uns et les autres en faveur de telle ou telle position sont tous valables. Tout le monde a raison en réalité. Personne n’a tort !
Il faut cependant remarquer que l’exigence d’établissement de certificat de paternité est une exigence qui prend en compte le consentement et le sens de responsabilité de chacun, auteur et porteur de grossesse.
Par cette exigence, le législateur a établi à notre sens, un équilibre en prenant en compte le consentement et le sens de la responsabilité.
En effet, il ne serait pas juste que le consentement de l’homme à être père lui soit dénié. Il ne serait pas juste que ce soit la femme qui décide de faire père tel ou tel homme même à l’insu de celui-ci.
Tout comme, il ne serait pas juste que l’homme décide de fuir ses responsabilités en ne reconnaissant pas la grossesse dont il est l’auteur.
Ce qui est intéressant, c’est que le législateur a tout prévu pour responsabiliser les uns et les autres auteur et porteur de grossesse.
Ainsi, l’action en recherche de paternité permet à la femme de contraindre un homme à reconnaître l’enfant dont il est le géniteur et à assumer ses obligations de père.
Le père qui n’aura pas accepté sa paternité pour fuir ses responsabilités peut se voir intenter une action en reconnaissance de paternité.
L’action en contestation de paternité permet à l’homme qui a découvert qu’il n’est pas le vrai père d’un enfant de contester sa paternité.
Le père qui aura déclaré sa paternité alors qu’il s’est révélé qu’il n’était pas le vrai père peut faire une action en contestation de paternité.
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