Modalités d’application du parrainage: la position de la cour constitutionnelle

28 Jan 2021 | 0 commentaires

En date du 11 janvier 2021, la cour constitutionnelle a été saisie de deux requêtes : une première par laquelle Monsieur R. G. forme un recours en inconstitutionnalité des modalités d’application du principe de parrainage adoptées par la Commission électorale nationale autonome, et une seconde requête par laquelle madame M. G. A. forme un recours en mise en œuvre par la Cour de son pouvoir de régulation afin de permettre la prise effective d’une loi devant définir les conditions et fixer de manière transparente les modalités d’application du processus de parrainage lors de l’élection présidentielle d’avril 2021.

Quels sont les moyens invoqués par les parties ?

En substance, le premier requérant relève le fait que le code électoral n’ayant repris que les dispositions de la Constitution sur le parrainage, aucun acte à caractère normatif (législatif ou réglementaire) n’en a fixé les modalités. Il estime dès lors que c’est en l’absence d’un tel acte que la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) a déclaré « garantir l’anonymat du parrainage et ne publiera pas la liste des députés et maires ayant parrainé un candidat ». Il soutient que ce choix est de nature à faire perdre au processus sa crédibilité « de sorte à projeter les citoyens dans une incertitude sur l’issue des parrainages et ne garantit pas une pluralité de candidatures à la compétition ». Il invite la cour à recourir à son pouvoir d’injonction pour constater que :

  • constater que ce défaut de clarté et de prévisibilité que devrait respecter le législateur dans un domaine aussi sensible que les élections est source d’insécurité juridique et porte atteinte à la crédibilité des élections ;
  • et suspendre l’application de l’article 132 de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral en République du Bénin.

La deuxième requérante, pour sa part, expose que ni dans le code électoral, ni dans une autre loi, le législateur n’a défini les modalités d’application du parrainage prévu par la Constitution. Elle estime que le défaut par le législateur d’organiser les modalités de délivrance du parrainage a conduit la CENA à décider qu’elle procédera elle-même, à son siège, à la délivrance des formulaires nominaux de parrainage de candidats à l’élection présidentielle d’avril 2021 ; ce qui n’a aucun fondement légal.

Elle sollicite ainsi de la Cour constitutionnelle de recourir à l’article 114 de la Constitution pour enjoindre à l’Assemblée nationale d’adopter une loi fixant les modalités de mise en œuvre du parrainage tel qu’exigé par la Constitution et conformément aux instruments nationaux et régionaux régissant les élections.

Les arguments de la CENA sur les modalités du parrainage

Le représentant de la CENA conclut au rejet des demandes contenues dans les requêtes. En effet, il estime que sa structure ne fait qu’appliquer la loi, le rôle de la CENA se limitant à la sécurisation des formulaires de candidature et les dispositions pratiques de mise en œuvre. Il développe que « la CENA n’a nullement affirmé qu’elle avait l’intention d’entourer d’opacité, encore moins d’utiliser un quelconque pouvoir réglementaire pour faire autre chose que ce que prévoit la loi en la matière ». Se fondant sur l’article 41 de la loi portant Code électoral, il soutient que la CENA a pour rôle de mettre à la disposition des députés et des maires des formulaires nominatifs de parrainage des candidats à l’élection du président et du vice-président de la République.

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Quelles ont été les positions de la cour constitutionnelle ?

« Lorsque par détournement de procédure et substitution de fondements, il est demandé à une juridiction de satisfaire une prétention qu’elle n’aurait pu accueillir ou qui excéderait ses pouvoirs si la procédure adéquate et les fondements pertinents avaient été invoqués, il appartient à cette juridiction de faire application de la bonne règle… »

Au sujet des conclusions du premier requérant sur le parrainage

Par rapport au requérant qui sollicite entre autres la suspension de l’application de l’article 132 de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral en République du Bénin, la cour fait constater qu’il sollicite ainsi d’elle, non pas de réguler « le fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics », ni d’arbitrer « les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat », mais de supprimer une disposition résultant d’un acte de volonté du pouvoir constituant.

Elle décline ainsi sa compétence à connaître d’une telle demande en rappelant ses affirmations contenues dans les décisions DCC 21¬010 et DCC 21-011 du 07 janvier 2021 : « nul pouvoir constitué ne peut contrôler, modifier, suspendre ou supprimer un acte de volonté du pouvoir constituant originaire ou dérivé que lorsqu’il en est spécialement habilité ».

Au sujet de la demande en injonction de la seconde requérante

« La Cour ne saurait, sans méconnaître le principe constitutionnel de non-immixtion d’un organe institué par la Constitution dans les prérogatives non dérogeables d’un autre organe également institué par la même constitution, enjoindre un comportement donné à l’Assemblée nationale ».

En ce qui concerne la demande en injonction à adresser à l’assemblée nationale (sollicitée par la seconde requérante), la Cour considère que le pouvoir législatif a souverainement déterminé, en vertu de son pouvoir d’opportunité exercé dans les limites fixées par la Constitution, les conditions et les modalités du parrainage. Dans ces conditions, elle ne saurait enjoindre un comportement donné à l’Assemblée nationale, au risque de méconnaître le principe constitutionnel de non-immixtion d’un organe institué par la Constitution dans les prérogatives non dérogeables d’un autre organe également institué par la même constitution.

Au sujet de l’anonymat du parrainage

En rappelant sa compétence dans la régularité de l’élection du duo président de la République et vice-président de la République, la cour constitutionnelle estime que les actes ou formulaires de justification des parrainages au nombre prévu par le législateur sont une pièce constitutive du dossier de candidature soumise au même régime que les autres pièces du dossier.

Elle considère donc que le communiqué n°001/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP suivant lequel la Commission électorale nationale autonome a déclaré « garantir l’anonymat du parrainage et ne publiera pas la liste des députés et maires ayant parrainé un candidat», n’est pas contraire au code électoral.

 

Lire l’intégralité de la décision EP 21-001

 

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