L’Etat peut-il s’immiscer dans les affaires des communautés religieuses ?

18 Sep 2021 | 0 commentaires

Les communautés religieuses et philosophiques se développent visiblement de manière libre dans les Etats démocratiques. C’est le cas du Bénin où l’on peut constater la présence de multiples sectes ou mouvements à caractères religieux. Ces groupements qui naissent au vu et au su de l’Etat ne semblent pas pour autant inquiétés, quand bien même des pratiques que certains qualifieraient de « peu orthodoxes » s’y dénoncent parfois. Comment le droit appréhende-t-il ces groupements ? Le droit autorise-t-il l’Etat à contrôler les mouvements religieux ou philosophiques ? Dans quelle mesure ?

La laïcité, une première barrière pour l’Etat

L’article 2 de la loi fondamentale béninoise dispose que « La République du Bénin est une et indivisible, laïque et démocratique ». Cette laïcité de la République signifie que l’État est neutre entre tous les cultes, indépendant de tous les clergés, et dégagé de toute conception théologique ou philosophique.

La laïcité de l’Etat implique concrètement une liberté de religion, une égalité des individus porteurs de convictions religieuses ou philosophiques différentes. L’État n’est donc ni religieux ni ecclésiastique. Autrement dit, le fait religieux lui est extérieur. L’article 2 de la Constitution dresse ainsi une barrière contre toute immixtion de l’Etat dans des affaires de communautés religieuses.

L’autonomie institutionnelle des communautés religieuses, une seconde barrière

Au-delà de la laïcité de l’Etat, les congrégations religieuses jouissent d’une certaine autonomie institutionnelle. En effet, à l’instar de toute autre institution, celle religieuse secrète un droit qui lui est propre afin qu’elle puisse être en mesure de réaliser ce pour quoi elle s’est constituée.

C’est ainsi que les communautés musulmanes, chrétiennes catholiques, chrétiennes protestantes, vaudous, bouddhistes, …, ont le droit d’instituer des règles affranchies du joug de l’Etat et qui leur permettent de mieux organiser les activités découlant de leurs croyances.

Cette autonomie institutionnelle découle de l’article 23 alinéas 2 et 3 de la Constitution : « Les institutions, les communautés religieuses ou philosophiques, ont le droit de se développer sans entraves. Elles ne sont pas soumises à la tutelle de l’Etat.

Elles règlent et administrent leurs affaires d’une manière autonome ».

Cette disposition emporte trois conséquences pouvant être érigées en principes :

  • la non-soumission des communautés religieuses au diktat de l’Etat ;
  • l’impossibilité pour l’Etat d’entraver le développement d’une congrégation religieuse ;
  • et l’autonomie administrative de l’institution religieuse.

Il faut ainsi nuancer : l’autonomie est inhérente à l’institution qui ne saurait être perçue comme un petit Etat dans un grand. Elle suppose que la congrégation religieuse possède elle-même le pouvoir de se déterminer selon ses propres normes.

Les communautés religieuses disposent donc du pouvoir d’élaborer leur propre droit et de l’imposer à leurs membres au moyen d’une contrainte propre à elles, et le pouvoir de s’organiser librement en dehors de la volonté étatique. C’est ce qui explique le fait que chaque institution secrète ses propres règles statutaires et disciplinaires.

Pour autant, l’Etat doit-il être encore écarté lorsque des dérives sont constatées ?

L’atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs, seul motif d’immixtion ?

L’article 23 alinéa 1er qui consacre la liberté de religion en République du Bénin fixe le cadre dans lequel cette liberté doit s’exercer. Le constituant rappelle ainsi que la liberté de religion ou de culte doit s’exercer « dans le respect de l’ordre public établi par la loi et les règlements ».

La garantie de la liberté religieuse ne saurait donc être invoquée par une communauté religieuse que dans le respect de l’ordre public et des autres libertés. Toute dérive attentatoire à l’ordre public, à la sûreté de l’Etat ou à l’intégrité morale des institutions de la République peut donner lieu à une immixtion de droit de la part de l’autorité étatique.

Il faut enfin relever que la neutralité de l’État par rapport au développement des communautés religieuses est un choix politique du constituant de 1990 qui doit être soutenu par les citoyens et les mêmes communautés pour continuer à s’imposer.

Les religions radicales violentes ou les communautés religieuses défiant l’autorité de l’Etat peuvent amener celui-ci à réviser les dispositions constitutionnelles garantissant l’autonomie des congrégations ou à agir autrement  en vue d’exercer un meilleur contrôle sur les communautés religieuses qui pourraient représenter des bombes à retardement menaçant la cohésion sociale.

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