La grève au Bénin : quel régime juridique ?

16 Déc 2020 | 0 commentaires

L’Assemblée Nationale a adopté la loi n°2018-34 du 05 Octobre 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève au Bénin. Cette adoption est intervenue dans un contexte où la question de l’irréductibilité du droit de grève était d’actualité, notamment au regard des divergences de point de vue des cinquième et sixième mandatures de la Cour constitutionnelle. Depuis son adoption, certaines dispositions de la loi 2018-34 semblent passer sous silence.

L’interdiction du droit de grève à certaines corporations et l’obligation du service minimum

La nouvelle loi interdit l’exercice du droit de grève à certaines corporations, fait obligation à d’autres corporations d’assurer un service minimum, consacre la possibilité de réquisitionner des agents publics, et surtout, circoncis l’exercice annuel du droit de grève au Bénin dans une période maximale de dix (10) jours tout en proscrivant la grève de solidarité.

Les personnels militaires de l’Etat, les personnels paramilitaires tels que les agents de police, des douanes, des eaux, forêts et chasse, ainsi que les personnels des services de santé, ne peuvent exercer le droit de grève en République du Bénin (article 2 alinéa 2). Ainsi, rallongeant la liste des personnels frappés d’incapacité, les médecins, infirmiers et autres agents de santé, ne pourront désormais plus aller en grève à l’occasion de leurs revendications syndicales.

L’exigence d’un service minimum pour d’autres corporations

A côté des corps frappés de cette incapacité d’exercice du droit de grève au Bénin, d’autres sont tenus, même si le droit de grève ne leur est pas nié, d’assurer un service minimum. Il s’agit des :

  • magistrats ;
  • agents des services judiciaires et pénitentiaires ;
  • agents des services de l’énergie ;
  • agents des services de l’eau ;
  • agents des régies financières (impôts, trésor, etc.) ;
  • agents des transports aériens et maritimes ;
  • agents des télécommunications ;

Si la loi du 21 juin 2002 ne niait pas non plus le caractère obligatoire du service minimum, cette loi du 05 octobre 2018 énonce avec précision les personnels obligatoirement astreints au service minimum en période de grève au Bénin.

Selon l’article 14 de ladite loi, ces personnels relevant soit de la fonction publique, des établissements publics, semi-publics ou privés à caractère essentiel, ont été astreints au service minimum en raison de ce que leur cessation totale de travail, porterait de graves préjudices à la paix, la sécurité, la justice, la santé de la population, ou les finances publiques de l’Etat.

Au besoin, certains agents pourront faire l’objet de réquisitions sans que leur nombre ne puisse excéder 20% de l’effectif de l’administration ou du service concerné.

La circoncision de la période d’exercice du droit de grève

La plus grande surprise de la loi 2018-34, c’est bien la limitation de l’exercice du droit de grève au Bénin dans une courte durée. L’article 13 dispose en effet que, lorsque les procédures sont respectées (négociation sanctionnée par un procès-verbal, préavis régulièrement adressé au moins trois jours francs avant le début de la grève), le droit de grève s’exerce dans certaines conditions de durée qui ne peut excéder :

  • dix (10) jours au cours d’une même année ;
  • sept (07) jours au cours d’un même semestre ; et
  • deux (02 jours au cours d’un même mois.

Réduite donc à une durée annuelle maximale de dix (10) jours, la grève au Bénin telle qu’encadrée par le législateur diffère de celles connues jusque-là.

Et dans un contexte national fortement marqué par des grèves de solidarité (qui consistent pour des corporations à en soutenir d’autres par des grèves lorsque ces dernières se mettent en grève pour des raisons qu’elles jugent menaçantes) qui paralysent tour à tour les activités au sein des diverses administrations, la nouvelle loi en son article 2, interdit l’exercice de toute grève de solidarité alors que l’article 11 de la loi de 2002 reconnaissait le droit pour tout syndicat, de déclencher une grève de solidarité. Il semble donc que l’affaiblissement du pouvoir et de l’influence de la grève au Bénin était notamment la dynamique du législateur de 2018.

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