Affaire Chantal de SOUZA : quand la Cour constitutionnelle rétrocède des biens immobiliers abusivement expropriés à l’Etat

11 Jan 2021 | 0 commentaires

La Cour constitutionnelle, par décision DCC 20-457 du 14 Mai 2020, a rappelé l’interdiction de toute acquisition de biens appartenant au domaine public par les membres du pouvoir exécutif.

Saisie d’une requête en date à Cotonou du 19 février 2020 enregistrée à son secrétariat le 20 février 2020 sous le numéro 0525/269/REC-20, par laquelle monsieur Victorien KOUGBLENOU, en sa qualité de directeur général de l’Agence nationale du Domaine et du Foncier, forme un recours en inconstitutionnalité de ventes immobilières au profit de madame Chantal de SOUZA épouse IDOHOU ; et après en avoir délibéré, la Cour constitutionnelle du Bénin présidée par le Professeur Joseph DJOGBENOU a rappelé dans sa décision DCC 20-457 du 14 Mai 2020, les clauses d’inaliénabilité qui se rattachent aux biens appartenant au domaine public.

Les faits

A la lecture des faits soumis à l’appréciation souveraine de la juridiction constitutionnelle, Madame Chantal de SOUZA épouse IDOHOU qui était chargée de mission et responsable aux affaires financières et économiques du président de la République a obtenu du ministère des Finances et de l’Economie, des ventes de gré à gré portant sur deux (02) terrains sis à Cotonou et d’une superficie d’un (01) hectare chacun, alors que le terrain était la propriété de l’Etat béninois et nanti du titre foncier n° 6402. En dépit de cela, le ministre de l’Economie et des Finances de l’époque avait ordonné le morcellement, puis procédé à la cession du terrain au profit de madame Chantal de SOUZA épouse IDOHOU qui était chargée de mission et responsable aux affaires financières et économiques du président de la République.

En effet, il a été rapporté que dès sa nomination, madame Chantal de SOUZA épouse IDOHOU a sollicité du ministre des Finances et de l’Economie, le 02 avril 2004, l’octroi d’une parcelle de deux (02) hectares dotés du titre foncier n°6402 de Cotonou, qui ont été vendus, puis ont donné lieu à la création de deux titres fonciers distincts numéros 7174 et 7177, non plus au nom de l’Association des femmes de l’Union africaine pour laquelle le terrain était censé être destiné, mais de L. Chantal de SOUZA épouse IDOHOU et Laure J. de SOUZA respectivement, qui désignent la seule et même personne.

Le rappel et la décision du juge constitutionnel

Le juge constitutionnel a rappelé plusieurs dispositions tenant à la préservation du patrimoine public de l’Etat.

Une violation de l’article 52 alinéa 1 de la Constitution

La cour rappelle l’article 52, alinéa 1 de la Constitution qui dispose que « Durant leurs fonctions, le Président de la République et les membres du Gouvernement ne peuvent pas par eux-mêmes ni par intermédiaire, rien acheter ou prendre à bail qui appartienne au domaine de l’Etat, sans autorisation préalable de la Cour constitutionnelle… ». La Cour explique qu’au sens de cette disposition, l’expression « membres du Gouvernement » ne doit pas s’entendre uniquement des ministres de la République mais aussi de toute personne qui participe étroitement à l’exercice de la fonction exécutive de l’Etat. On peut donc considérer que les conseillers, les membres de cabinets et autres hauts cadres travaillant avec le Gouvernement sont également concernées par cette disposition.

Une violation de l’article 35 de la Constitution

La Cour rappelle également l’article 35 de la Constitution qui dispose que : « Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun ». Elle note ainsi que Madame Chantal de SOUZA épouse IDOHOU a manqué aux devoirs prescrits par cette disposition et violé la Constitution en profitant de sa position au sommet de l’Etat pour solliciter et obtenir en son nom, l’affectation de parcelles relevant du domaine privé de l’Etat, sous le prétexte que ce domaine devrait servir à la construction du siège d’une association d’intérêt public international.

Une violation de l’article 37 de la Constitution

« Les biens publics sont sacrés et inviolables. Tout citoyen béninois doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de détournement, de dilapidation ou d’enrichissement illicite est réprimé dans les conditions prévues par la loi ». Cette disposition est reprise par le juge constitutionnel pour constater le détournement évident qui se dégage de l’affaire. Mais le juge constitutionnel prendra le soin de relever l’irrecevabilité de la demande tendant à déclarer formellement comme étant répréhensibles les actes attentatoires à l’inviolabilité des biens publics, puisqu’aucune juridiction de l’ordre judiciaire n’a encore conclu à cette fin.

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