CADHP: la cour constitutionnelle statue sur le retrait de la déclaration du Bénin

6 Fév 2021 | 0 commentaires

La Cour constitutionnelle a rendu le 21 janvier 2021 une décision suite à un recours en inconstitutionnalité du retrait par le Bénin de sa déclaration acceptant la compétence de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) à recevoir les requêtes individuelles ou émanant des organisations non gouvernementales. La décision DCC 21-047 fait suite à deux recours : l’un recours formulé par le sieur Eudes Houessou AOULOU en date du 05 mai 2020, et l’autre par les sieurs Glory Cyriaque HOSSOU et Landry Angelo ADELAKOUN.

Les prétentions et moyens des requérants

Les requérants estiment en effet que le retrait de cette déclaration de retrait constitue une violation du droit d’accès à la justice des citoyens, et donc un recul, car il empêche désormais les citoyens béninois d’agir devant cette juridiction pour obtenir réparation des préjudices qu’ils auraient subis. Ils considèrent donc que la décision de retrait de la CADHP prise par l’Etat béninois est constitutive d’une violation des droits humains, et contraire à la Constitution.

Ils fondent leurs allégations sur :

  • l’article 7 de la Constitution qui indique que les droits et devoirs proclamés par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples font partie intégrante de la Constitution ;
  • le préambule de la constitution dans lequel le peuple béninois réaffirme son attachement à cette Charte ;
  • et la jurisprudence de la Cour, qui selon eux, s’oppose à la remise en cause d’avancée dans le domaine de la protection des droits humains.

La position des autorités béninoises

Tour à tour, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la Législation, le Secrétaire général du Gouvernement, et le président de l’Assemblée nationale, ont fourni des arguments contre les prétentions et moyens des requérants.

Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la Législation

Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la Législation réfute l’argument de la violation du droit d’accès à la justice des citoyens. Il estime en effet, et entre autres, que l’action en justice ouverte au titre du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples n’a qu’une valeur supplétive par rapport aux multiples voies ouvertes au plan interne pour agir en violation des droits humains (aussi bien devant la Cour constitutionnelle que devant les juridictions de l’ordre judiciaire).

Le Secrétaire général du Gouvernement

Le Secrétaire général du Gouvernement soulève l’incompétence de la Cour à connaître de la demande des requérants au regard de ses attributions limitativement énumérées aux articles 114 et 117 de la Constitution. En effet, il considère qu’en matière de politique internationale, si le contenu d’un instrument juridique international peut être soumis au contrôle de constitutionnalité, il n’en est pas de même de la décision de le ratifier ou de s’en retirer prise par le président de la République.

Répliquant aux sieurs Glory Cyriaque HOSSOU et Landry Angelo ADELAKOUN, il soutient par exemple que la faculté pour un Etat partie de dénoncer ou de se retirer d’un traité a été consacrée par la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples dans sa décision rendue le 3 juin 2016 relativement à la décision de retrait de la déclaration attributive de compétence du Rwanda du 1er mars 2016. Dès lors, le Secrétaire général du Gouvernement considère que cette décision de retrait de la CADHP ne constitue pas une violation de la Constitution.

Le Président de l’Assemblée nationale

Le président de l’Assemblée nationale quant à lui demande à la Cour de rejeter la demande des requérants. En effet, il souligne qu’en droit international, l’Etat qui a la faculté d’aliéner librement une partie de sa souveraineté dans le cadre d’accords internationaux, peut également décider de retirer son consentement à cette aliénation.

La position de la Cour

La Cour constitutionnelle considère que le contrôle de la Cour constitutionnelle, nécessairement a priori (en matière de contrôle des engagements internationaux ratifiés par le Président de la République), est limité à la vérification de la conformité à la Constitution des clauses d’un engagement international que le président de la République s’apprête à conclure au nom de l’Etat. Dès lors, les juges constitutionnels estiment que le contrôle de leur juridiction ne s’étend pas aux actes accomplis par le gouvernement a posteriori qui portent sur l’activité diplomatique.

En conséquence, ils décident que la décision de retrait de la CADHP prise par le président de la République échappant au contrôle de la Cour, il n’y a pas violation de la Constitution.

Voir l’intégralité de la décision

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