Quelle est la valeur juridique d’une capture d’écran ?

6 Mar 2021 | 0 commentaires

La technologie apporte une nouvelle dimension au droit de la preuve. Elle amène les tribunaux et les plaideurs à faire face à de nouvelles situations et elle leur offre toute à la fois de nouvelles perspectives. Les « machines » font désormais partie du jeu. Si l’arrivée d’internet a donc bouleversé les règles traditionnelles de preuve, les nouveaux outils de communication digitale, notamment les smartphones, permettent d’aller plus loin avec des captures d’écrans pour justifier des échanges, des propos, des affirmations, etc. La capture d’écran (qui n’est pas pour autant une nouveauté) est une image indiquant le contenu ce qui est affiché sur le moniteur d’un outil informatique ou d’un smartphone. La question est cependant de savoir si une telle image apportée comme preuve d’une allégation ou d’une prétention, peut lier le juge au cours d’un procès, en l’occurrence au pénal.

La capture d’écran, une preuve électronique authentifiable

Lorsqu’une capture d’écran est réalisée en pleine page, elle reproduit l’intégralité du contenu de l’écran (fenêtres en cours, barre des tâches, fond d’écran), comme une photo de l’écran à un instant précis, sans aucune bordure. Mais la capture d’écran est-elle pour autant une preuve électronique ? Dans l’affirmative, serait-elle irréfutable ?

A la première question, le caractère électronique d’une image sur smartphone ou ordinateur ne saurait être rejeté. Par contre, en ce qui concerne l’irréfutabilité de la capture d’écran, certaines nuances doivent être apportées.

Ce qu’en dit le code du numérique

Aux termes de l’article 268 du Code du numérique, « la preuve sous forme électronique a la même force probante et est admise au même titre que la preuve sous forme non-électronique, sous réserve que puisse être identifiée la personne dont elle émane, et qu’elle soit établie et conservée dans des  conditions qui en garantissent l’intégrité et la pérennité ». Dès lors, pour le cas d’une capture d’écran apportée comme preuve par exemple lors d’un procès pénal, la vérification de l’intégrité et de la pérennité peut requérir un certificat d’authenticité.

De même, pour qu’une telle preuve soit admise comme « irréfutable », il est important qu’elle fasse l’objet d’un horodatage électronique qualifié. L’horodatage électronique consiste à lier la date et l’heure aux données de manière à exclure la possibilité d’une modification indétectable du fichier (article 300 du code du numérique). Ce procédé bénéficie d’une présomption d’exactitude de la date et de l’heure qu’il indique et d’intégrité des données auxquelles se rapportent ces dates et heures.

Dès lors, une capture d’écran apportée comme preuve électronique ne pourra bénéficier d’une présomption de validité que lorsque des expertises auront été réalisées par un prestataire de services de confiance qualifié et qui satisfait aux exigences fixées par voie réglementaire, au moyen d’une expertise.

La preuve électronique et le pénal : quelle est la règle ?

En matière pénale, « hors le cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction ». Cependant, le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et discutées devant lui de manière contradictoire. Cela suppose donc qu’au cours d’un procès pénal, une capture d’écran apportée comme preuve devra être discutée par les parties et éventuellement contestée par la partie adverse suivant une procédure de faux.

La capture d’écran peut donc bien servir d’élément de preuve dans un dossier. Cependant, sa réalisation demande de prendre un certain nombre de précautions pour éviter qu’elle ne soit contestée. Une fois authentifiée, c’est l’intime conviction du juge qui tranchera.

La capture d’écran, une preuve électronique falsifiable

Les fausses informations se propagent rapidement sur la toile. Entre autres causes, certains complotistes à l’origine de fakes news travaillent d’arrache-pied pour inventer de toutes pièces de fausses informations. A l’aide de logiciels de graphisme, des photomontages aux messages et témoignages imaginaires sont partagés sur les applications de discussion instantanée, en passant par des captures d’écran bidonnées. Tous les moyens étant bons pour diffuser de fausses informations, il est important d’être vigilant face à une capture d’écran.

Le seul moyen d’en prouver la véracité est de solliciter une expertise judiciaire. (Toute juridiction d’instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d’ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d’office ou à la requête de l’une des parties, ordonner une expertise. – Article 173 du code de procédure pénale).

Quelles sanctions pour une fausse capture d’écran ?

Aux termes de l’article 512 du Code du numérique, “quiconque commet un faux, en introduisant, intentionnellement et sans droit, dans un système informatique, en modifiant, altérant ou effaçant des données, qui sont stockées, traitées ou transmises par un système informatique, ou en modifiant par tout moyen technologique l’utilisation possible des données dans un système informatique, et ce dans l’intention qu’elles soient prises en compte ou utilisées à des fins légales comme si les données falsifiées étaient authentiques, est puni d’un emprisonnement de cinq (05) ans à dix (10) ans et d’une amende de cinq millions (5 000 000) à cinquante millions (50 000 000) de francs CFA ou de l’une de ces peines seulement”.

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